Monsieur le président de l’association « Nus et détendus »,
Je vous écris pour vous signifier mon incompréhension, pour ne pas dire ma stupéfaction. Nous étions convenus de délimiter nos deux parcelles de plages privées et les séparer par une clôture en osier d’un mètre cinquante de hauteur. Vous comprendrez que la vue de corps totalement nus puisse perturber les plus pudiques et gêner les plus jeunes de nos adhérents. Notre association « Plage & famille » n’a effectivement pas pour objectif que ses membres subissent des agressions visuelles alors que parents et enfants pataugent dans l’eau et construisent des châteaux de sable…
Or, nous avons découvert hier que des très larges ouvertures ont été pratiquées dans la clôture afin, je cite l’un de vos membres, « d’éviter que le vent la fasse s’écrouler ». Il semblerait que cette technique soit héritée de méthodes bien connus des syndicalistes pour éviter que leurs banderoles ne retiennent le vent et rendent difficile la progression du défilé… Je dois avouer que je ne pensais pas que des pratiques cégétistes parviendraient jusqu’à nos rivages tranquilles.
Je vous demande donc de remettre séance tenante les tronçons d’osier tronqués, afin que notre cohabitation se poursuive dans les moins mauvaises conditions. Vous imaginer nus à quelques mètres de nous a déjà nécessité un effort moral conséquent, nous aimerions donc éviter de trouver sous notre nez les sexes de vos membres.
Jacques-André Delarive
PS : je profite de cette missive pour vous interpeller sur une mode étonnante de vos adhérentes, consistant à se raser intégralement les poils pubiens… La plage regorge de suffisamment de coquillages, il me semble donc inutile que vos dames nous donnent à voir leurs fruits intimes.
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Monsieur le président de la section « Plage & famille »,
Je vous remercie d’avoir pris le temps de m’adresser cette lettre, temps qui doit être précieux tant vous en engloutissez dans la recherche de tissus pour camoufler vos propres corps. Merci donc. Je tiens pourtant à rendre à la réalité ce qui lui revient et constate, sans amertume, que cette tendance au travestissement s’applique également à la vérité. Disons que, par pudeur certainement, vous l’habillez, quitte à la défigurer.
Lorsque vous parlez d’agressions visuelles, je vous avoue que mes bourses, pourtant moelleusement posées sur le sable, se contractent. Comme vous y allez. Nos corps, s’ils nous appartiennent, nous ont été offerts par dame nature, et je peux, à la rigueur, comprendre que le séant du père Mercier ait pu vous incommoder. Mais si l’un de vos membres s’en est trop approché, il ne tenait qu’à lui de s’en éloigner.
Et puisque vous évoquez la clôture, je vous rappelle que vous n’en avez payé que le tiers alors que notre accord transpirait la clarté et tablait sur 50 %. Cette clôture est à la nature ce que sont vos tricots à vos corps : des carcans. Et là où vous supportez cet asservissement, le vent, libre comme l’air, s’évertue à abattre ce mur. Si je sais pouvoir discuter avec vous, je n’ai pas encore appris l’art de parler au vent. Certains trous devront donc rester sous le nez de vos membres.
Mais pour ce que j’ai pu voir, cela ne dérange pas tout le monde dans vos rangs. Pour tout vous dire, les emprunts clôturiers se sont multipliés depuis l’arrivée sur notre plage de mademoiselle Béranger. Charité bien ordonnée, etc… Je sais pouvoir compter sur votre célérité pour remédier à ces petites opérations de brigandages visuels.
Le bonjour à votre dame.
Marc Hamon
PS : Puisque vous en êtes à parler de ce qui s’égare sur la plage, vous pouvez cesser de jeter des sacs de culottes par-dessus la clôture, nous n’en avons pas l’usage.
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Monsieur,
Vous êtes sacrément culotté ! Pour une fois, oserai-je dire… Si vous pensez que la plastique de cette demoiselle Béranger a pu égarer nos membres au point qu’ils s’adonneraient à la soustraction de pans entiers de la clôture, vous vous fourrez le doigt dans l’œil ! Nos mariages nous contentent amplement pour tout ce qui a trait à la concupiscence, et nous n’avons nullement besoin de regarder sur le sable du voisin pour stimuler notre émoi… J’ajouterais que, vu de loin, les corps nus qui constituent votre Amicale évoquent plutôt des fleurs fanées que des belles plantes. La fesse molle, le sein flasque et le sexe flétri semblent correspondre à des critères de sélection de vos membres les plus zélés… Croyez bien que je ne souhaitais pas me livrer à quelque assaut sur le physique mais votre mauvaise foi m’a fait sortir de mes gonds.
Concernant la frontière de nos territoires, nous étions convenus de vous aider dans l’investissement de cette clôture, je vous l’accorde. Notre adhérent Jean-Michel Bardot-Lacourt, propriétaire du magasin de bricolage local, vous a proposé une remise de 50 % sur son irréprochable modèle 1er prix. Mais vous avez préféré la gamme supérieure pour laquelle il ne pouvait consentir que 30 % de rabais… En plus donc d’être exigeants, vous vous permettez d’être pingres. Avec tout l’argent économisé sur votre budget maillots de bain, vous auriez pu prendre sur vos deniers personnels ce petit surcoût…. Toutefois, après discussion avec M. Bardot-Lacourt, et par souci de bon voisinage visuel, nous renouvelons la proposition de remise de 50 % sur le modèle 1er prix, afin de vous permettre de rafistoler les trous à bon compte. C’est notre dernier mot, Marc.
Mes amitiés à Mme Hamon (quand je saurai laquelle c’est)
Jacques-André Delarive
PS : les sacs de culottes sont destinés aux plus jeunes de vos membres. Je parle de ceux dont le vocabulaire n’a encore été enrichi par la fréquentation de l’école et qui semblent trouver amusant de déféquer près de la clôture. Il faut peut-être que jeunesse se passe, mais nous ne souhaitons pas laisser passer l’odeur de leurs étrons.
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Monsieur,
Je vois que vous avez l’esprit aussi étriqué que les culottes de vos femmes sont élargies. Vous auriez pu en rester aux affaires qui nous occupent, sans vous attaquer au physique de nos bien aimés sociétaires. Nos corps sont ce qu’ils sont, et nous les acceptons tels quels. Malgré vos tentes, maillots de bains, il n’est pas difficile de voir que nous avons les mêmes corps, mais vous en avez honte. Vous pouvez. Madame Delarive, qui n’a pas dû souvent nager à contre-courant tant ça gélatine, aurait sûrement l’air moins ridicule, son cul fripé délesté de tissu, que saucissonnée comme un filet mignon. Je ne vous fais pas la revue de vos troupes, mais vous le savez aussi bien que moi : vous avez le vêtement triste, le textile castrateur et l’élastomère anxiogène. Pas étonnant que vous passiez la journée collés au trou de la clôture, à rechercher des émois depuis longtemps enfouis sous vos fringues ringardes.
Je vous laisse à vos frustrations. Par contre, que vous ajoutiez l’insulte à la goujaterie, voilà qui est un peu fort. Nous sommes nus, pas nés de la dernière pluie. La clôture a coûté la modique somme de 1 500 euros. Que nous partagions en deux la charge d’une clôture dont nous n’avons pas besoin frisait déjà l’extorsion de fonds. Que vos membres nous en chourent des morceaux frôlaient le pathétique. Mais que dans votre pingrerie vous osiez nous rappeler cette arnaque au bricolage, voilà qui nous ferait ôter nos vêtements de rage si nous avions la faiblesse d’en porter.
Votre Bardot-Lacourt devrait changer de métier et renommer son magasin : « Déchetterie sur Lacourt ». Cela aurait l’avantage d’éviter les désillusions. Il peut bien nous faire les prix qu’il veut, sa quincaillerie ne vaut rien. Ses ampoules claquent plus vite que les moustiques, sa colle a le pouvoir de fixation de l’huile et ses perceuses ont la fâcheuse tendance à se casser au premier trou dans une matière plus dure que du beurre, ou de la vaseline.
Non, brisons là. Et madame Hamon vous claque le string,
Marc Hamon
PS : Si vous ne passiez pas tout votre temps à côté de la clôture, la merde serait recouverte par le sable avant que l’odeur ne vous parvienne. Et puisque vous parlez d’école, y a-t-il une remise sur la cotisation aux analphabètes chez « Plage & famille » ? S’il n’y en a pas, ne l’instaurez pas, vous allez couler l’asso.
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Hamon,
Je te la fais courte, ça ne te changera pas beaucoup de ce que tu as entre les jambes (à ce que je vois de loin) : toi et ta bande de satyres, vous me remettez en place la clôture séance tenante ! Hors de question pour nos adhérents de subir le panorama de vos entrejambes cramoisis… Nous devrions même exiger que ce mur de la décence se prolonge jusque loin dans la mer, pour nous prémunir de la vue de ceux de tes nudistes qui osent faire la planche sans pudeur. Je vous signale que le plus âgé de vos membres – celui qui est barbu du menton et imberbe du reste – nous a gratifié récemment de son étonnante vigueur matinale pendant qu’il vérifiait la résistance de l’eau salée à la chute de son corps au fond de la mer. C’était purement et simplement débectant. On aurait dû accrocher à son chibre prétentieux un drapeau rouge d’interdiction de baignade…
Je te confirme que ceci est un ultimatum, et que, sans réponse satisfaisante de ta part, nous irons vérifier dans l’arrière-boutique de M. Bardot-Lacourt si ses mines antipersonnel serbes sont encore en état. Je crois savoir qu’elles font des merveilles, enterrées dans quelques centimètres de sable… Je suis certain de ne pas devoir en arriver à faire preuve de violence physique, mais ne néglige pas notre courroux face à l’agression visuelle et morale que vous nous faites subir.
Cet avertissement est valable 24 heures.
Delarive.
PS : si les mines de Bardot-Lacourt étaient périmées ou trop inoffensives, nous nous chargerons de vous vêtir de force. Nous avons nos entrées chez Emmaüs, et les maillots de bain vintage – collection Les 3 Suisses 1982 – s’y acquièrent à prix clément. J’ai hâte de vous en voir affublés, et ce serait pour une double bonne cause.
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Delarive,
T’as pas mis longtemps à ramener la morale dans cette histoire. Avec les culs bénis dans ton genre, ça finit toujours par une histoire de morale. Tu minaudes, tu fais ta mijaurée et tu poignardes. Tes petites remarques médiocres sur la taille de mon sexe ne m’atteignent pas, tout comme ton mépris pour ce bon vieux Philomène, qui porte sa nudité triomphante et son altière érection matinale depuis 60 ans.
Mais à défaut de coller un drapeau sur son mat, il se pourrait bien que je t’en plante un dans le trou de balle. Un petit drapeau blanc, que tu seras bien content d’arborer, d’une manière ou d’une autre, quand on sera passé à l’étape européenne de notre jactance. Parce que monsieur voit grand, et veut élargir à l’Europe notre dispute. Si les mines de ton quincaillier sont à la hauteur de sa camelote, on pourra jouer au foot avec. Et les Serbes, moi je les connais bien, mais pas en mines, en chair et en os. Lorsque Avram, Božimir, Dalibor, Miroslav et leur clique débarqueront demain pour profiter des avantages de notre petite plage de nudistes, je me ferai un plaisir de voir ta colère se rabougrir en même temps que ta queue. Le Serbe a la patience aussi développée que nos habits. Alors continue à jouer la carte de la baston, et on rebouchera les trous de la clôture avec vos scalps.
Et si tu crois qu’on ne peut pas se battre la bite à l’air, tu négliges 50 ans de Taekwendo sans habit et de Jujistu nu. Vous qui aimez bien être dans du textile, on va vous rhabiller pour l’hiver, l’été, et toutes les saisons.
Cette promesse est valable toute l’année, connard,
Hamon
PS : Puisque tu parles de chiffonniers, si demain tu fanfaronnes toujours, on change de côté de la clôture, on pille vos fringues et on les refourgue à Emmaüs. Pas sûr qu’ils en veuillent, mais sinon il se trouvera bien un clodo pour s’en satisfaire.
Et voici la réalité…
Bagarre entre vacanciers nudistes et “textiles” sur une plage de La Teste
Clap de fin pour la saison 2
Voilà, c’est terminé pour la saison 2. Merci à nos invités de cette année : Olivier, Lucien, Sémi et Laura. Si vous avez aimé, faites-tourner. Et on se revoit bientôt avec quelques surprises dans la besace.
Antony et Valéry
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