Des cours de gym qui font froid dans le dos

C’est pas compliqué avec moi : c’est « Marche ou crève » !

On obtient pas des résultats satisfaisants si on donne pas tout ce qu’on a. Et quand je dis tout, c’est tout. Parce que les cours de gym, c’est pas la récréation de mémère… On saute pas à la corde en mode classe maternelle, on fait pas des pompes comme si on était le Pape qu’embrasse le sol après un petit tour en avion, on gaine pas comme il faut si on va se taper la petite binouze qui va bien après la douche… Parce que, comme je dis toujours à mes patients – oui, je les appelle « mes patients » parce que pour moi, ils sont tous malades – donc, comme je dis toujours : « No Pain, No Gaine » !

Bref, je suis partisan de la manière forte niveau sport. On en chie, on crache ses poumons, on a les muscles qui te font l’open-bar en acide lactique, on gerbe un bon coup après un entrainement – pour moi, gerber à la fin, c’est la vérité du sportif, aussi sûr que le soleil se lève à… euh… aussi sûr que… bref c’est la vérité du sportif – et on s’affale comme une grosse merde sur son plumard en attendant le lendemain pour recommencer. Purger le corps de toutes ses saloperies, oublier son cerveau pour retrouver sa part animale, évacuer la tension en bandant les muscles. Y’a pas photo : le sport, c’est le meilleur moyen d’être soi. Fondamentalement. Face à ton corps, pas de mensonge. Tu marches ou tu crèves. Et si tu crèves, tant pis, c’est que t’es pas digne de fouler cette terre.

Je sais, je suis radical. Ça dérange. Parce qu’on vit dans un monde de Bisounours, où il faut pas foutre de beignes aux gamins mal élevés, surtout pas dire un mot plus haut que l’autre… On manque cruellement de sincérité, on se dit pas les choses et on devient des mous du cul, des faibles du bulbe… Des sous-hommes, j’ose le mot ! Ouais ! On chouine, on se plaint, on refuse de se faire mal, on veut pas s’avouer qu’on vit entourés de faibles. Nous y compris. Enfin, moi, plus maintenant…

J’en ai fait partie, à une époque, du régiment des chiffes molles. J’étais un petit gros, essoufflé en deux temps trois mouvements, je fumais mes clopes de merde, là, je bouffais des chips et je ricanais comme un con avec les tocards près de la machine à café. Mais ça, c’était avant. Le jour où je me suis fait défoncer la gueule dans une petite rue déserte par trois abrutis en survêt’ qui voulaient me piquer ma thune… Putain… Le pif, les molaires, 3 côtes et 50 euros en moins. Ils m’ont pas raté, les salopards. Là, je me suis dit : « Jicé, mon gars, faut que tu te remplumes pour éviter la prochaine fessée ! ».

Deux ans plus tard, matez la bestiasse, les amis : 7,6% de masse grasse, des pectoraux de statue grecque, des abdos en béton armé, poils rasés même sur les couilles… L’athlète. Le vrai. Du coup, fatalement, j’ai arrêté mon boulot dans les assurances (putain, les assurances, quoi ! Le truc de pisse-froid pour ceux qui veulent se prémunir des « accidents de la vie »… mais la vie c’est une saloperie d’accident qui dure 85 piges bordel !). Et j’ai ouvert mon atelier de sculpture corporelle avec méthode brevetée. La méthode Jicé. Avec le petit C dans son rond, là… « Copyright ». Pas touche, propriété privée. Pour connaître la vérité sur ton corps, faut compter 180 euros par mois. Et c’est cadeau.

Au début, mon atelier, c’était plutôt l’hospice. Des vieilles tirées de partout, blindées de thune, qui se faisaient chier comme des rats dans leur hôtel particulier avec gouvernantes, majordomes et mari consanguin. Elles bougeaient pas les momies. Je me suis mis en mode gentil pendant quelques cours, mais ça m’a vite gavé.  Alors j’ai fait péter la vraie méthode Jicé.

Un matin, j’avais mes rombières qui levaient pas les genoux. Mais vraiment pas. La Danse des Canards à côté, c’était un entrainement de karaté… En plus, elles causaient chiffons et animaux domestiques. Moi, j’aime autant vous dire que savoir que Pépette le caniche abricot chiait mou depuis 10 jours, ça m’en touchait une… Et la goutte d’eau qu’a fait déborder le vase, c’est la vieille Dupont-Berricourt qui se plaignait que sa femme de ménage, Concepcion, astiquait pas le mobilier assez vite. J’étais derrière la vioque pendant qu’elle taillait un costard à sa bonniche philippine… Elle m’avait pas vu. Je me suis approché de son oreille droite et je lui ai fait péter du 100 décibels de ma plus belle voix de stentor.

« TU VAS ME FAIRE LE PLAISIR DE TE SECOUER LA RONDELLE ! SINON C’EST MOI QUI VAIS T’ASTIQUER ! »

Je sais pas si elle a pris ça pour une promesse crapuleuse, mais dans un premier temps, elle a surtout fait une mini-attaque. Bien fait pour sa gueule, je supporte pas qu’on s’en prenne au petit personnel. C’est mon côté Robin des Bois,  qui vole aux riches d’accord, mais pour le devenir ! C’est là que se situe la petite nuance entre moi et le renard en jupe verte…

Bref, la vieille a mal supporté ma petite interpellation, et j’ai dû la retenir quand elle s’est évanouie. Elle pesait pas lourd, la rentière, légère comme une plume dans mes bras XXL. Je sentais son palpitant qui s’affolait et j’avais moyennement envie d’avoir un cadavre sur les bras. Ça aurait fait tache dans le développement de mon atelier de sculpture corporelle. Alors je l’ai amenée dans le vestiaire pour qu’elle se remette de ses émotions. Et vu que je sentais qu’elle était en surchauffe, je l’ai collée sous une douche froide histoire de lui faire un petit choc thermique. Je peux vous dire que ça marche nickel : mamie a repris ses esprits en deux secondes. Comme quoi, c’était bien du cinoche tout ça. Vieille, feignasse et menteuse.

Du coup, elle a décidé de se barrer en me promettant de me coller ses avocats au cul, parce que, je cite, « il y a des témoins de votre comportement inacceptable ! ». Tu parles, morue, c’est ton comportement en survêtement qui est inacceptable !  Moi, je porterai plainte pour mauvaise volonté face aux pompes et aux exercices de cardio ! Du coup, je suis reparti m’occuper des autres vieilles qu’avaient certainement arrêté leurs abdos. Le chat est parti, les souris bavardent… Bingo ! Mon atelier s’était transformé en salon de thé du Rotary, avec en prime les regards outrés adressés à mon aimable personne. J’ai donc remis une petite couche de méthode Jicé, avec un subterfuge que j’utilise régulièrement face à de la mauvaise volonté.

Je me suis dirigé vers mon sac Everlast en cuir de veau retourné pour y prendre ma tondeuse à poils corporels. Celle qui me permet de retrouver ma peau de bébé partout où mère nature m’a doté des attributs des grands singes. Je l’ai empoignée et l’ai montrée à mes patientes…

« Vous voyez, mesdames, ceci est un Taser ! Si vous ne faites pas vos exercices avec l’implication qu’attend votre corps pour enfin devenir une arme de guerre, je vous balance des volts dans les bourrelets ! Et je vous promets que ça réveille ! »

J’ai démarré la tondeuse. Le petit crépitement ressemble à s’y méprendre au son de la batterie d’un appareil électrique puissant. Et il en faut de la puissance dans cette machine pour me ratiboiser le paillasson pectoral, la barbe et les roubignoles. Chaque fois que je me rase, je perds un kilo ! Les vieilles ont pas l’habitude, leurs bonshommes n’ont de poils que sur leurs vestes moisies que j’achèterais même pas chez Kilo Shop… Du coup, je peux vous dire qu’après un départ timide, elles ont compris ce que « sudation » voulait dire ! Mes vieilles ont commencé à se recouvrir de charmantes traces de sueur aux entournures – la vérité du corps, je vous dis ! – et elles n’ont pas cherché à me gruger. Au bout d’une heure de vrais exercices, j’ai compris qu’il fallait faire une pause dans l’atelier sculpture, car la moitié de mon effectif montrait des signes avancés de tachycardie.

Je me suis dit que c’était peut-être le moment de passer à la partie Cocktail de mon programme. Faut savoir que je me trimballe toujours avec une bonne dose de GHB sur moi. D’abord pour mon usage personnel, rapport au fait que ça libère des hormones de croissance qui stimulent mon développement musculaire. Et puis pour l’usage récréatif que je propose à des jeunes sportives croisées au hasard dans des troquets… Bon, là, mon idée, c’était pas vraiment l’usage récréatif : vu le petit scandale avec la mère Dupont-Berricourt, je me suis dit que ça ferait pas de mal de générer un peu de confusion chez les témoins de la scène. J’ai donc versé avec générosité et discrétion mon produit miracle dans une bouteille d’eau minérale, et je me suis transformé en porteur d’eau pour mes sportives. Un grand verre chacune. Cul sec. Et au vestiaire.

Quand la police est arrivée avec la Dupont-Berricourt qui n’avait pas décoléré, accompagnée de son bonhomme avec veste en tweed, j’ai compris que j’allais pas tarder à me retrouver au gnouf, à attendre de me prendre des coups de bottin sur la fontanelle. Mes autres patientes étaient en train de ronfler sur les bancs du vestiaire, à moitié à poil. Je me suis vivement défendu d’être responsable de cette exhibition de vieux corps décatis – j’ai des fantasmes mais pas ceux-là ! – en m’appuyant sur ma pédagogie du sport pour justifier leur béatitude. Alors, je me suis dit que ça me ferait pas de mal d’être moi-même un peu confus au moment de raconter les événements. Il me restait un quart de la bouteille d’eau minérale arrangée. Je l’ai sifflée pendant que les flics commençaient à me cuisiner…

J’ai dû subir une fermeture administrative de mon atelier de sculpture corporelle, avec accusation d’empoisonnement et de mauvais traitements à personnes âgées. Du coup, depuis quelques semaines, j’essaye d’enseigner ma méthode à une autre population, plus virile et plus aguerrie : dealers, braqueurs, quelques meurtriers par-ci par-là… En prison, je suis véritablement confronté à la vérité des corps. Mais je reste fidèle à mon crédo : avec moi, c’est « marche ou crève ».

Faut bien avouer que ça marche moins ces derniers temps. 

Et voici la réalité…

Des cours de gym qui font froid dans le dos

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